La Normandie est de nos jours la plus grande région de fromage en France.
Cette place d'honneur pour le fromage, la Normandie la doit à la fois à un terroir remarquable, propice au développement de cette activité, mais aussi à une longue et fructueuse tradition fromagère.
"Je veux revoir ma Normandie, ses paturages et ses prairies..." cet extrait de chanson est celui qui, pour beaucoup de français sert à définir la Normandie. Cette vue est sans doute par trop injuste car elle ne met guère en avant les multiples facettes de la Normandie (Cote d'Albatre (Etretat), région du Perche, Granit du Cotentin, Pays de Bray, Pays de Caux, Marais Vernier, plages de sable), et ne tient guère compte de la riche histoire de la Normandie.
Cependant cette image d'Epinal a le mérite de vanter un pays verdoyant presque paradisiaque, que l'imagerie populaire a peuplée de vaches et de laitières. Or cette image traduit bien, d'une certaine manière, la richesse agricole de la Normandie et plus particulièrement sa force dans le domaine des produits laitiers (Lait, beurre, fromage de Normandie, et produits derivés).
On produit du fromage à peu près partout en Normandie, mais deux régions dominent, et de loin, cette activité: le pays d'Auge et le pays de Bray. D'autres parties de la Normandie, comme le Cotentin, sont elles plus spécialisées et réputées pour leurs beurres et leurs crèmes.
Le pays d'Auge est situé aux confins de l'Eure, du Calvados et de l'Orne (3 départments français). Cette région a vu naitre entre autres fromage de Normandie, le camembert, le livarot, le pont-l'évèque. Il est spécialisé dans les fromages à pâte molle et fermentée à croûte fleurie (camembert), ou a croûte lavée (livarot, pont-l'évèque).
Le second, le pays de Bray, couvre l'est de la Normandie et est le berceau du Neufchâtel. Il se spécialise plutôt dans le fromage de Normandie à pâte molle enrichie à la crème.
La préférence générale pour le fromage de Normandie à pâtes molles est sans doute due en partie à la facilité de transport entre les producteurs de lait et les laiteries et les facilités de distribution, qui n'imposent pas des stockages très longs comme en montagne.
Histoire du fromage de Normandie
Depuis les premières heures de la Normandie, en 911, on trouve des écrits témoignant d'un activité fromagère, même ponctuelle. Dans les premiers temps et comme dans beaucoup d'autres régions, cette production de fromage en Normandie est seulement une des composantes de l'activité agricole, voire un produit dérivé de l'activité d'élevage. Cependant assez tôt, cette activité va prendre une importance relative, et devenir une source importante de revenus et ... d'impôts. Ainsi le comte Richard reverse-t-il à l'abbaye de Saint-Sauveur à Evreux, la dime des fromages de Normandie qu'il a perçue à Quitteboeuf.
A l'époque et pour encore de longs siècles c'est surtout le pays de Bray qui est le plus grand centre de production fromagère en Normandie. Le pays d'Auge est en effet plutôt tourné vers la polyculture, l'élevage d'embouche et le textile.
Au cours des XIIème et XIIIème siècles, après la conquéte de l'Angleterre, les normands doivent affronter la concurrence redoutable des fromages anglais qui jouissent, à l'époque, d'une fort bonne réputation; on importe d'ailleurs en nombre ceux-ci en Normandie. Cependant malgré cette concurrence et peut-être grâce à elle (via des échanges "technologiques"), il semble que cette période ait été somme toute favorable aux "vacheries" normandes.
Nous savons peu de choses sur les fromages de Normandie produits à cette époque (tant du point de vue de la fabrication, que des volumes produits, ou tout simplement de l'aspect et du goût). Pour ajouter à cette confusion, les fromages sont généralement vendus à l'époque sous le titre générique d' "angelots", (quel que soit leur type réel.) présentés sur des paillons dans les différents marchés de la région. Cependant peu à peu, certains fromages de Normandie plus typiques vont s'affirmer, et prendre le nom des marchés où de la région où on peut les trouver, ainsi apparaissent le Livarot, le Pont-l'Evèque et le Neufchâtel.
Jusqu'au XVIII ème siècle les choses vont peu évoluer, et à part le neufchâtel et dans une moindre mesure le livarot et le pont-l'évèque peu de fromages sortiront de la région; et cela, même s'ils jouissent déjà d'une excellente réputation colportée dans presque toute la France et surtout à Paris.
L'apparition de nouvelles technologies va remettre en cause toute cette hiérarchie en modifiant les méthodes de production du fromage de Normandie, (introduction de machines, utilisation de boites), la collecte et la distribution (chemin de fer puis automobile). Ce changement sera d'autant mieux utilisé/vécu dans le pays d'Auge que les activités traditionnelles comme le textile sont en pleine crise. De nombreux agriculteurs vont donc (s')investir dans cette activité, souvent par le biais des épouses, chargées plus spécialement de cette production qui reste cependant d'abord complémentaire. Peu à peu les "exploitations/laiteries" vont prendre de l'importance jusqu'a constituer de vastes "industries" qui sont l'apanage de "dynasties" familiales. Ce nouvel essor est bien représenté par le succès à l'époque du livarot et plus tard celui de son plus jeune représentant: le camembert.
Le XXème siècle sera lui-aussi fécond en innovation pour cette activité, notamment avec l'apparition de la pasteurisation et de la grande distribution. Les entreprises familiales vont de plus en plus souvent céder la place à de grandes cooperatives ou de grands groupes fromagers.
Ces améliorations parfois regrettables au niveau du goût, vont permettre un développement massif de cette activité en lui permettant de conquérir de nombreux marchés.
A l'heure actuelle, la production du fromage de Normandie est très majoritairement industrielle (avec différents degrés de qualité dans celle-ci) et une production artisanale elle aussi variable, qui "résiste".