Notre histoire - Le Persillé de Tignes de Mme Marmottan : survivant du monde moderne

04. Le Persillé de Tignes de Mme Marmottan : survivant du monde moderne

Alors que la désalpe a vu les bêtes reprendre le chemin des granges, la maison Androuet est parti en Tarentaise à la rencontre de la dernière ferme qui fabrique encore le Persillé de Tignes.

A La Savinaz, village perché sur un pic couvert de neige de l’est des Alpes, Mme Marmottan descend à l’étable – au rez-de-chaussée de sa maison à l’allure helvétique – pour traire ses 30 vaches et ses 80 chèvres.

Paulette Marmottan, 56 ans, est la dernière productrice de Persillé de Tignes, un généreux fromage montagnard au lait cru à la texture crayeuse en forme de cylindre. La seule et unique, car, lorsque le vieux village de Tignes, en Haute-Tarentaise, et plusieurs centaines d’hectares de pâturages ont été engloutis par les eaux du barrage hydroélectrique au début des années 1950, les quelques fromagers de la commune n’ont pas eu le courage ou la volonté de poursuivre leur activité, souvent très modeste, dans de nouvelles conditions. Il fallait pratiquement repartir de zéro et les chambres d’agriculture et banques orientaient plus volontiers à l’époque vers de nouveaux modèles plus productivistes.

Maison Androuet : Qui vous a appris la fabrication de ce fromage ?
Mme Marmottan : C’est mon père qui a repris la fabrication de ce fromage après la guerre et qui a transmis la recette à mon frère et moi-même. C’est une vieille tradition en Tarentaise : nous mélangeons le lait de vache et de chèvre et nous conservons le caillé dans le petit lait pendant 5 jours avant le moulage.


Maison Androuet : Pourquoi les autres fermiers de la région ont arrêté de fabriquer du Persillé de Tignes ?
Mme Marmottan : Un agronome de la ville est venu dans les années 1950 et a orienté les fermiers vers des fromages de meilleure productivité. C’est donc la modernité et la course au rendement qui a presque tué ce fromage ancestral et sa tradition populaire dans notre région. Aujourd’hui, nous sommes les derniers.


Maison Androuet : Le Persillé de Tignes va-t-il survivre encore longtemps ?
Mme Marmottan : Heureusement, mon fils est très dynamique et nous aide beaucoup. Il est bon mécanicien et a même inventé des machines pour nous aider dans les travaux de la ferme, notamment une balloteuse à foin spécialement conçu pour les pentes raides et les champs escarpés. Tant qu’il y aura des jeunes passionnés, le Persillé de Tignes survivra. J’ai grand espoir que la relève soit assuré par mon fils…