Les fromages français procurent un sentiment d'identité et de continuité très fort

02. Les fromages français procurent un sentiment d'identité et de continuité très fort

La profondeur historique, la localité, la notoriété et les savoir-faire forment l'identité d'une région.

L'Appellation d’origine contrôlée (AOC) française -à travers la dénomination d'un pays ou d'une localité - protège des contrefaçons un fromage qui est originaire de ce pays et dont les qualités ou les caractères sont dus au milieu géographique comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains.

L’objectif de l’AOC est de formaliser juridiquement un cadre permettant de protéger une relation entre la fabrication d'un fromage et un lieu, une identité ou une tradition. Cette démarche de protection et la dimension patrimoniale d'un certain nombre de productions fromagères s’explique par le contexte du libre-échange et de la mondialisation.

En effet, il est beaucoup question aujourd’hui de territorialisation des activités, de fixation des bassins de production associés à l'aménagement du territoire et à la lutte contre la désertification des campagnes. L'attribution d'une protection pour un fromage en France implique conjointement l'exclusion pour les autres. Lorsqu’un fromage bénéficie d’une AOC, une zone de protection très stricte est délimitée, au delà de laquelle il est interdit de fabriquer le fromage sous son nom. Il en est ainsi par exemple du beaufort, du bleu de Gex, de l’abondance ou du saint-nectaire. La démarche de protection concerne un mode ou un lieu de production qui fait partie du vivant diversifié, évolutif et éphémère.

Aujourd'hui, la France compte 46 fromages AOC : Reblochon, Comté, Roquefort, fromage Brie de Meaux, Camembert, Fourme d'Ambert, Saint-NectaireChavignol, Selles-sur-Cher, fromage Banon de Banon, fromage Beaufort, ValencayMunster, LivarotBleu de Gex, fromage Mont d Or, Bleu des Causses, Langres, Epoisses, Ossau-Iraty, Pont l'EvêqueRocamadour, Brocciu, Morbier, Pélardon, Chaource, Maroilles, Sainte-Maure-de-Touraine, Pouligny-Saint-Pierre,  Brie de Melun, Fourme de Montbrison, Laguiole, Cantal, Chabichou, Bleu de Sassenage, fromage Abondance, Chevrotin, PicodonGruyère français, Bleu d'Auvergne, Mâconnais, Coeur de Neufchâtel, Salers, Tome des Bauges, Rigotte de Condrieu.

Un fromage est l'aboutissement d'une accumulation de savoirs, de pratiques, d'observations, d'ajustements à mettre en relation avec la représentation que l'on s'en fait. Le vivant évolue et fait interférer de nombreux facteurs.
Ainsi les micro-organismes, occupent une place considérable dans l'élaboration des fromages. Les ferments jouent un rôle déterminant dans les processus de maturation, de fermentation et d'affinage associés ou non à des techniques qui peuvent être d'une extrême complexité, aux différents stades d'intervention sur la matière vivante.
En matière de pratique fromagère, température et temps de chauffe du lait, choix du ferment, taille des grains du caillé, intensité du pressage de la pâte, traitement accordé à la croûte, fréquence de retournements, degré d'hygrométrie sont autant de paramètres qui se conjuguent à l'infini et interfèrent sur la flore microbienne active pour donner la diversité que nos connaissons. Moisissures, levures et bactéries évoluent dans une complexité extrême, maîtrisées par les pratiques et les savoir-faire.

Ainsi, le vivant recèle un potentiel d'évolution et de variabilité considérable, dans lequel l'homme puise. Mais il est aussi associé à une durée de vie limitée: les savoir-faire extrêmement diversifiés qui le façonnent sont à la base de la conservation. L'accent est mis ici sur l'histoire de ces productions dès lors que l'on cherche à protéger une tradition ou une origine géographique.

L'ancrage historique d'un fromage passe par l'identification attentive et minutieuse des modes d'intervention et leur évolution. L'existence d'une profondeur historique forte est assimilée à l'authenticité patrimoniale d'un fromage. Or, elle doit être associée à une continuité des savoir-faire, faute de quoi l'on risque d'utiliser l'histoire pour légitimer des productions pseudo-patrimoniales, tirant simplement parti de la notoriété d'un lieu sans renvoyer à la spécificité d'un produit. Certains groupements professionnels veulent faire passer des productions fromagères pour traditionnelles, du seul fait que cette activité a pu avoir une réalité historique.